Suivi des infractions


Le littoral oriental de la Tunisie constitue l’épine dorsale du pays en raison de la richesse de ses ressources naturelles, terrestres et marines.
Exerçant une attraction très forte sur les civilisations successives, il a de tous temps été le siège d’activités humaines intensives et multiples.


Sur environ 1300 km, il offre une grande variété de milieux et de paysages naturels, ainsi qu’un patrimoine archéologique de très grande valeur. Parallèlement, il concentre plus de 60% de la population et la quasi-totalité des activités touristiques et industrielles.
Souvent mal maîtrisés, les aménagements économiques et l’urbanisation perturbent l’environnement côtier, bouleversent les paysages et les modes d’occupation du sol, et aggravent les phénomènes d’érosion.
Les effluents industriels affectent quant à eux les écosystèmes naturels et réduisent les richesses halieutiques.
L’arsenal juridique en matière de protection et conservation de l’environnement s’est développé à partir des années 1970. Mais la législation spécifique au domaine côtier a fait son apparition très tardivement, au milieu des années 1990. D’une part avec la promulgation de textes qui réglementent le domaine public ou définissent des zones sensibles devant faire l’objet d’aménagements spécifiques. D’autre part avec la création de l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL), une instance publique dédiée à la gestion du littoral. Mais plusieurs facteurs réduisent l’efficacité de ces outils juridiques et réglementaires, comme ils pénalisent les nouvelles approches inspirées de la Gestion Intégrée du Littoral et des préceptes du développement durable.

Plusieurs types d’infractions sont relevés chaque année par les services de l’APAL. Selon le rapport national de l’état de l’environnement, plus de 80 infractions ont été commises en 2007, dont plus de la moitié dans les gouvernorats de l’Ariana, Bizerte, Monastir et Nabeul. Les occupations en dur sur le DPM sont de 3 types: la construction d’ouvrages ou de parties d’ouvrages, l’extension et l’aménagement des ouvrages réalisés avant la promulgation de la loi sur le DPM,et enfin l’aménagement de clôtures, terrasses ou trottoirs. Les infractions dites « légères » concernent le non-respect des autorisations d’occupation temporaire, l’implantation de baraques ou autres installations légères sans autorisation préalable, la destruction des dunes ou l’enlèvement et le transport de sable de plage, le remblaiement des sebkhas, l’occupation des parties incluses dans le DPM et la mise en place de haies.

Dans la zone touristique de Hammamet, les infractions sont nombreuses; certaines antérieures à la création de l’APAL, d’autres plus récentes. Sur les 17 km de côtes, le public ne dispose que de quelques accès à la mer, et doit en général contourner les luxueux hôtels construits très près du rivage. Par ailleurs, il arrive fréquemment que les propriétaires de villas « pieds dans l’eau » privatisent la plage, ce qui déclenche des altercations avec les usagers voulant accéder au rivage. D’autres se sont purement et simplement appropriés le DPM en bloquant l’accès à la plage par des obstacles. La pression sociale reste très forte dans la mesure où les autorités continuent de délivrer des autorisations d’occupation du DPM aux promoteurs. L’Association d’Éducation Relative à l’Environnement a tiré le signal d’alarme à plusieurs reprises et sollicité l’APAL afin de ne pas privatiser l’accès aux plages de Hammamet et de veiller au respect des principes de libre fréquentation et de circulation le long du littoral (Sahli, 2008)

Le littoral oriental du Cap Bon offre un second exemple de privatisation des plages. Suite à la construction du deuxième hôtel du projet « Kélibia La Blanche », les habitants de la ville de Kélibia ont envoyé une pétition aux pouvoirs publics exprimant leur inquiétude face à la privatisation de la plage et à la dégradation de l’environnement côtier (accélération de l’érosion des plages, disparition de la faune et de la flore, transformation du paysage). En outre, cette privatisation pourrait entraîner une réduction du nombre d’usagers, donc de touristes, et par conséquent générer un manque à gagner pour les professionnels locaux de l’immobilier. Enfin, le projet, qui se voulait écologique et touristique, et devait créer des emplois permanents, s’est transformé en une opération de promotion immobilière de villas de haut standing. Les signataires de cette pétition ont réclamé la suspension immédiate de tous les travaux de construction de la deuxième unité hôtelière, l’annulation de tout autre projet sur ces plages, l’interdiction ferme de toute forme de privatisation des plages, et la prise des mesures nécessaires pour s’assurer du respect du droit d’accès au DPM.

Face à cette privatisation récurrente des plages par les hôteliers et les riverains, les pouvoirs publics ont imaginé une alternative: offrir aux familles tunisiennes, moyennant des tarifs préférentiels, des plages publiques dotées de commodités et d’équipements (parasols, tables, chaises, sanitaires, douches, etc.); ce qui nécessite un raccordement aux réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement. Que la gestion soit assurée par un acteur privé ou par la commune, le cahier des charges impose de veiller à la protection et la propreté de la plage, ainsi qu’au maintien de l’ordre et de la sécurité. Pensée en 2000, mise en œuvre à partir de 2002-2003, cette idée a conduit en 2008 à l’aménagement de 80 plages, concernant treize gouvernorats depuis Bizerte jusqu’à Djerba, financé à parts égales par le fonds de la protection de l’environnement touristique et par le budget de l’État2. Une seule société privée a relevé le défi, mais elle gère plus de la moitié des plages. Ces plages aménagées sont toutefois loin de rivaliser avec celles des hôtels, fréquentées par les touristes et les catégories aisées de la population tunisienne.